Mobilier XVIIIe : halte aux idées reçues !


Suite au succès de la vente aux enchères dédiée arts décoratifs du XIe au XIXe siècle organisée vendredi 29 janvier 2021 par Maîtres David Nordmann et Xavier Dominique de la maison Ader, l’expert Pierre-François Dayot livre quelques-uns de ses secrets pour identifier le mobilier du XVIIIe siècle…


Essentielle estampille ?
L’idée selon laquelle un meuble XVIIIe de qualité doit impérativement être estampillé n’est pas tout à fait exacte… « Les deux plus grands ébénistes de l’époque, André-Charles Boulle (1642-1732) et Charles Cressent (1685-1768) n’ont absolument jamais estampillé leur mobilier », explique l’expert Pierre-François Dayot en donnant comme exemple la commode à crosses réalisée par Cressent vers 1730 qui était proposée à la vente vendredi 29 janvier 2021 par la maison Ader. Adjugée 185.600 euros frais compris, ce meuble ne porte pourtant aucune marque. « Mais nous savons avec certitude qu’elle est l’œuvre de Cressent, poursuit le spécialiste. Les caractéristiques stylistiques de son mobilier, notamment dans l’usage du placage et des bronzes, ainsi que la monographie détaillée de ses œuvres permettent d’identifier de manière certaine les meubles de l’ébéniste. »

Attention à la fameuse marque du « C couronné »…
En 1745, un édit de Louis XV impose aux bronziers de frapper tous leurs ouvrages d'un C surmonté d'une couronne. Utilisé entre 1745 et 1749, cette marque d’impôt permet aux spécialistes d’identifier une pièce réalisée entre ces deux dates… « Attention, préviens toutefois Pierre-François Dayot, il existe des meubles frappés du « C couronné » qui sont pourtant bien antérieurs à 1745 ! » C’est d’ailleurs le cas de la commode à crosses de Cressent qui, bien qu’elle porte la marque, a été réalisée vers 1730. « Ce poinçon pouvait effectivement être apposé à l’occasion d’une revente ou d’une restauration de matériaux cuivreux dont le bronze fait partie. »



Commode à crosses par Charles Cressent (1685-1768). Époque Louis XV, vers 1730. H : 89 cm, L : 129 cm, P : 66,5 cm Adjugée 185.600 euros frais compris.


Un fauteuil de Jacob probablement réalisé pour le comte d’Artois, frère de Louis XVI
Depuis leur création, les meubles et objets d’art du XVIIIe siècle changent régulièrement de localisation. Pour retracer l’itinéraire de ces œuvres, les spécialistes bénéficient aujourd’hui d’une importante documentation. « A ce sujet, la recherche a énormément progressé ces 40 dernières années », précise Pierre-François Dayot. L’expert tient à citer l’exemple d’un grand fauteuil à dossier plat réalisé par le célèbre menuisier Georges Jacob (1739-1814) mis aux enchères lors de cette même vente aux enchères, et qui a été adjugé 128.000 euros frais compris. « Il faisait à l’origine partie d’un ensemble plus vaste que l’on parvient aujourd’hui en partie à reconstituer. Sur l’étiquette d’origine de ces sièges, qui figure encore sur certains d’entre eux, il est inscrit : « Sallon de Monseigneur ». Cette mention permet d’avancer l’hypothèse qu’ils auraient été réalisés pour le comte d’Artois, frère de Louis XVI. Les archives mentionnent ensuite un passage des fauteuils au château de Fontainebleau au début du XIXe siècle, avant que 4 d’entre eux soient déposés au palais de l’Élysée. »

Grand fauteuil à dossier plat en bois mouluré estampille de Georges Jacob, menuisier reçu maître en 1765. Époque Louis XVI, vers 1785. H : 101 cm, L : 71 cm, P : 62 cm. Adjugé 128.000 euros frais compris.



ARTS DÉCORATIFS DU XIe AU XIXe SIÈCLE
vendredi 29 janvier 2021 14:00
Salle 5-6 - Drouot-Richelieu, 9, rue Drouot 75009 Paris
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