UN SIECLE D'OR ET DE TISSUS
Nature morte à la tazza et aux fruits confits, réalisée par Francesco Fieravino, figure à la vente de tableaux anciens qui aura lieu le mardi 25 avril en salle 1 à Drouot à 14 heures. Faisant partie d’un corpus plus large et particulièrement intéressant de tableaux du XVIIe s., il est représentatif du goût de son temps et s’inscrit dans les dynamiques propres à ce Grand Siècle.
Une œuvre luxueuse
Cette grande toile suit une composition ternaire soulignée par les choix colorés : le rouge du grand rideau, le bleu du coussin et de l’étoffe posée sur la table et l’or des fruits confits et de la tazza souligné par les bandes dorées du mur, probablement lui aussi couvert de tissus précieux. Le tout est unifié par de petites touches claires, omniprésentes sur la toile, utilisées par l’artiste pour faire paraître le miroitement : éclat des fils d’or, des perles de sucre, des fils tissés, du métal orfévré… Tout révèle une extrême richesse. La surabondance de textiles précieux nous place dans un intérieur aristocratique car les étoffes étaient particulièrement coûteuses à cette période, donc accrochées aux murs des demeures les plus cossues.
Au-delà de la préciosité des matériaux, cette richesse se ressent aussi par le choix des objets représentés. Le tissu du coussin est orné de motifs orientaux qui pourraient signifier qu’il a été importé. Ce détail n’est pas insignifiant au XVIIe s., alors que se développe avec bien plus d’ampleur le commerce avec l’Orient et que l’intérêt pour les objets exotiques s’accroît. De même, la représentation de fruits confits renvoie au goût de plus en plus prononcé pour les sucreries chez les nobles. Les fruits confits sont particulièrement appréciés aux tables royales, le sucre à l’état brut étant encore une denrée particulièrement recherchée provenant des cannes à sucre du Nouveau Monde. À cette même période se développe justement la pratique du dessert.
Une nature morte italienne dans le nouveau marché de l’art
La tazza, belle pièce d’orfèvrerie, indique aussi une grande aisance du propriétaire, tout en soulignant l’influence des peintures des Pays-Bas sur la pratique de notre artiste. Cette manière de représenter le métal et ses reflets s’inspire directement de la pratique de la nature morte par les peintres du nord, qui apprécient tout particulièrement ce genre et dépeignent de la même manière un certain luxe des matériaux. Francesco a-t-il vu des œuvres de peintres flamands alors qu’il exerçait en Italie ? Fréquentait-il un groupe de peintres des Pays-Bas à Rome ? A-t-il lui-même voyagé dans l’Europe du Nord ? La mince biographie du peintre ne nous permet pas de le savoir.
L’autre indice d’un intérêt de l’artiste pour les Pays-Bas est le choix même du genre de la nature morte. L’apparition de ce genre coïncide avec un développement du marché de l’art au cours du XVIIe s., et une nouvelle forme de production : les artistes ne réalisent plus forcément des œuvres pour répondre à des commandes. Ils choisissent de faire des compositions libres qu’ils souhaitent voir achetées par une clientèle aisée. Ils se spécialisent ainsi dans des genres et des représentations afin d’attirer des clients qui auront une volonté précise. Les quelques autres œuvres attribuées à ce même Francesco Fieravino reprennent ainsi les codes de l’œuvre en vente le 25 avril : préciosité des étoffes et des objets, scintillement général par de petites touches, etc.
Un artiste aux multiples identités
L’artiste qu’on appelle Francesco Fieravino était en réalité désigné sous différents pseudonymes à son époque, et s’est vu attribuer par la suite ce nom qui ne semble pas correspondre à une réalité historique. Suite aux recherches de Gianlucca et Ulisse Bocchi, il fut renommé Francesco Noletti d’après un portrait de lui retrouvé à l’Université de Malte. Le peintre, originaire de Malte, était parfois aussi appelé Il Maltese (le Malte).
Il s’installa à Rome dans les années 1640, à un moment où la ville était un centre artistique majeur car de nombreux artistes de tous les pays s’y rencontraient. Notre peintre semble avoir connu une certaine notoriété de son vivant et ses œuvres, rencontrant leur public, connurent un certain succès. Mais il semble avoir rapidement disparu de la scène artistique à sa mort, jusqu’à perdre son nom.
Cette redécouverte récente met en lumière une production de qualité, qui s’inscrit particulièrement dans son temps et le goût de ses contemporains.
Lot 42 – Francesco FIERAVINO (c. 1611-1654)
Nature morte à la tazza et aux fruits confits
Toile, 95 x 131 cm
Au dos une étiquette 406
(restaurations anciennes)
Estimation : 10 000 – 15 000€TABLEAUX ANCIENShttps://www.ader-paris.fr/catalogue/129812-tableaux-anciensVENTEMardi 25 avril 2023 14h00
Hôtel Drouot, salle 1
EXPOSITION PUBLIQUEÀ Drouot, salle 1
Lundi 24 avril de 11 h à 18 h
Mardi 25 avril de 11h à 12h
EXPERT Cabinet Turquin
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