UN INCROYABLE CRISTAL D'ÉMERAUDE AUX ENCHÈRES
Le 30 novembre prochain se tiendra une vente d’art russe dans laquelle sera proposée un étonnant cristal d’émeraude offert en 1831 par l’empereur Nicolas Ier au naturaliste allemand Alexandre von Humboldt. Maître Nordmann et Maître Dominique, avec le concours de l’expert Nicolas Filatoff, estiment cette pièce à 30 000 / 40 000 €.
Achetée en 1860 dans la succession de ce dernier par le collectionneur Julius Friedländer, cette pierre montée sur présentoir sculpté en argent et or, est un petit manuel d’histoire pour qui est en mesure de la déchiffrer.
Importante pièce de présentation en argent supportant un cristal d'émeraude, présent de l'Empereur NICOLAS I à Alexandre de HUMBOLDT. Circa 1860
Un important cristal d'émeraude de l'Oural est inséré dans un présentoir en argent fixé sur un socle hexagonal en bois noirci. Le présentoir en argent est en forme de colline rocheuse avec des éléments de végétation. Six gnomes mineurs y sont figurés : l'un s’extrait d’une galerie, un deuxième escalade la colline, un troisième arrive près du sommet portant une barre à mine et une pelle, un quatrième éclaire la scène avec une torche tandis qu'un cinquième maintient le cristal que le sixième attaque sans doute à la barre à mine (manquante). Les manches des outils et la flamme de la torche sont en or.
Le socle repose sur six pieds moulurés placés aux angles, terminés par des boules (deux manquantes). Les façades sont décorées de motifs en argent représentant des outils de la mine liés par un ruban : sur les faces antérieure et postérieure, deux pioches croisées avec deux pics ou barres à mine et sur les quatre faces latérales, une pelle croisée avec une rivelaine, un piolet et une masse.
Une plaque gravée est insérée en façade entre la colline et le socle portant l'inscription : « Geschenk d. Caren Nicolaus I. an Alex. v. Humboldt. / 1829 » (Cadeau du tsar Nicolas I à Alexandre von Humboldt. / 1829).
Poinçons : aucun poinçon apparent. Le titre de l'argent est du 12 lot (750/1000e) et celui de l'or du 14 K (585/1000e).
Hauteur : 24 cm ; dim. du socle : 28,5 x 23 cm ; Poids brut du présentoir : 2052 g
Dimensions du cristal : 10 x 6,5 x 4 cm ; Poids : 396 g
Estimation : 30 000 / 40 000 €
Quand la petite histoire croise la grande Histoire
C’est une histoire de richesse, de commerce, et de nations, dans laquelle se croisent tsars, sommités scientifiques, paysans et entrepreneurs. Une histoire qui se déroule de l’Oural à l’Allemagne en passant par Venise, et qui charrie des minerais, du cobalt, des émeraudes et du manganèse. Elle fait se rencontrer imaginaire néo-gothique germanique et conquêtes impériales russes. Les strates, les facettes, les transparences et les opacités des deux éléments qui la composent recèlent de récits historiques, d’anecdotes et de légendes.
Une pierre qui appartenait à Nicolas Ier
Tout commence dans la région de Tomsk, dans l’Oural, au bord de la rivière Takova à la fin de l’année 1830. Un paysan sibérien se livrant à ses tâches usuelles hivernales d’agroforesterie dans le but de fabriquer du goudron naturel, découvre au cours de son labeur, entre des souches d’arbre, deux pierres vertes qu’il revend à un marchand. Les pierres finissent quelques jours plus tard entre les mains du directeur de l’usine de taille de pierre d’Iekaterinbourg (une ville voisine) qui demande à être conduit sur le lieu où les pierres ont été découvertes. Il y découvre un gisement.
Alexander von Humboldt était une sommité dans son domaine, géologue, naturaliste et géographe, il était au XIXème ce que Rutherford et Einstein étaient au XXème. Toutes les cours d’Europe gagnent en prestige dans le domaine scientifique en faisant appel à lui. C’est ainsi que le gouvernement russe, en la personne du ministre des finances Georges Cancrin, offre à Alexandre Von Humboldt, de diriger une mission d’exploration de grande envergure dont le but est de découvrir des mines d’or et de platine dans l’Oural. Il est accompagné par toute une équipe de savants dont Gustave Rose, qui se chargera de rédiger la relation de l’expédition. Dans ce texte écrit en 1836, qui traite en grande partie de l’expédition minière mais aussi de minéralogie et de politique russe, Gustave Rose mentionne que la collection
royale de Berlin possède un très bel exemplaire d’une de ces deux émeraudes, offerte par Nicolas I, juste après sa découverte en 1831, à Alexandre von Humboldt. L'exemplaire de Berlin pèse 538 g alors que celui acquis en 1860 dans la succession de von Humboldt pesait 401 g.
Le présentoir en argent : une pièce d’orfèvrerie chargée d’histoire
Le présentoir en argent sur lequel repose l’émeraude a été conçu et réalisé plus tard, sur commande, probablement pour son acquéreur Julius Friedländer. Il représente comme nous l’explique Nicolas Filatoff, l’expert de cette vente, une colline rocailleuse avec des éléments de végétation et six nains creusant des galeries dans la roche. Il faut remonter à la Venise du moyen âge tardif pour comprendre pourquoi les mineurs sont représentés par des nains. Au XIIIème siècle, la République est en Europe la puissance économique absolue. Pourtant dépourvue de terre et de ressources, elle domine grâce au commerce de son artisanat de luxe. Venise a pour cela besoin d’or afin de commercer avec l’Orient, de cobalt et de manganèse pour fabriquer son verre bleu de Murano et ses miroirs blancs dont les artisans vénitiens sont les seuls à posséder le secret. Afin d’aller chercher les minerais essentiels à leur fabrication, Venise organise des expéditions et envoie dans les massifs montagneux allemands, des personnes de petite taille, pour des raisons pratiques, pour se livrer aux travaux de galerie et d’extraction minière. De taille différente, d’aspect inhabituel et se livrant à des activités inconnues des allemands, de surcroît en secret, ils sont considérés comme des sorciers et des créatures dangereuses. C’est ainsi qu’ils deviennent une source d’inspiration pour les contes de la fin du romantisme allemand, dont le plus célèbre est « Blanche neige et les sept nains », paru en 1812.
ART RUSSE
mardi 30 novembre 2021 14:00
Salle des ventes Favart, 3, rue Favart 75002 Paris
EXPOSITION :
Le lundi 29 novembre de 11h à 18h
Le mardi 30 novembre de 11h à 12h
RESPONSABLES DE LA VENTE :
Magdalena Marzec
Marie-Axelle Couppé
magda.marzec@ader-paris.fr
01 78 91 10 08
EXPERT :
Nicolas FILATOFF
russie.expertise.ngf@gmail.com
+33(0)7 82 55 60 60
Un important cristal d'émeraude de l'Oural est inséré dans un présentoir en argent fixé sur un socle hexagonal en bois noirci. Le présentoir en argent est en forme de colline rocheuse avec des éléments de végétation. Six gnomes mineurs y sont figurés : l'un s’extrait d’une galerie, un deuxième escalade la colline, un troisième arrive près du sommet portant une barre à mine et une pelle, un quatrième éclaire la scène avec une torche tandis qu'un cinquième maintient le cristal que le sixième attaque sans doute à la barre à mine (manquante). Les manches des outils et la flamme de la torche sont en or.
Le socle repose sur six pieds moulurés placés aux angles, terminés par des boules (deux manquantes). Les façades sont décorées de motifs en argent représentant des outils de la mine liés par un ruban : sur les faces antérieure et postérieure, deux pioches croisées avec deux pics ou barres à mine et sur les quatre faces latérales, une pelle croisée avec une rivelaine, un piolet et une masse.
Une plaque gravée est insérée en façade entre la colline et le socle portant l'inscription : « Geschenk d. Caren Nicolaus I. an Alex. v. Humboldt. / 1829 » (Cadeau du tsar Nicolas I à Alexandre von Humboldt. / 1829).
Poinçons : aucun poinçon apparent. Le titre de l'argent est du 12 lot (750/1000e) et celui de l'or du 14 K (585/1000e).
Hauteur : 24 cm ; dim. du socle : 28,5 x 23 cm ; Poids brut du présentoir : 2052 g
Dimensions du cristal : 10 x 6,5 x 4 cm ; Poids : 396 g
Estimation : 30 000 / 40 000 €
Quand la petite histoire croise la grande Histoire
C’est une histoire de richesse, de commerce, et de nations, dans laquelle se croisent tsars, sommités scientifiques, paysans et entrepreneurs. Une histoire qui se déroule de l’Oural à l’Allemagne en passant par Venise, et qui charrie des minerais, du cobalt, des émeraudes et du manganèse. Elle fait se rencontrer imaginaire néo-gothique germanique et conquêtes impériales russes. Les strates, les facettes, les transparences et les opacités des deux éléments qui la composent recèlent de récits historiques, d’anecdotes et de légendes.
Une pierre qui appartenait à Nicolas Ier
Tout commence dans la région de Tomsk, dans l’Oural, au bord de la rivière Takova à la fin de l’année 1830. Un paysan sibérien se livrant à ses tâches usuelles hivernales d’agroforesterie dans le but de fabriquer du goudron naturel, découvre au cours de son labeur, entre des souches d’arbre, deux pierres vertes qu’il revend à un marchand. Les pierres finissent quelques jours plus tard entre les mains du directeur de l’usine de taille de pierre d’Iekaterinbourg (une ville voisine) qui demande à être conduit sur le lieu où les pierres ont été découvertes. Il y découvre un gisement.
Alexander von Humboldt était une sommité dans son domaine, géologue, naturaliste et géographe, il était au XIXème ce que Rutherford et Einstein étaient au XXème. Toutes les cours d’Europe gagnent en prestige dans le domaine scientifique en faisant appel à lui. C’est ainsi que le gouvernement russe, en la personne du ministre des finances Georges Cancrin, offre à Alexandre Von Humboldt, de diriger une mission d’exploration de grande envergure dont le but est de découvrir des mines d’or et de platine dans l’Oural. Il est accompagné par toute une équipe de savants dont Gustave Rose, qui se chargera de rédiger la relation de l’expédition. Dans ce texte écrit en 1836, qui traite en grande partie de l’expédition minière mais aussi de minéralogie et de politique russe, Gustave Rose mentionne que la collection
royale de Berlin possède un très bel exemplaire d’une de ces deux émeraudes, offerte par Nicolas I, juste après sa découverte en 1831, à Alexandre von Humboldt. L'exemplaire de Berlin pèse 538 g alors que celui acquis en 1860 dans la succession de von Humboldt pesait 401 g.
Le présentoir en argent : une pièce d’orfèvrerie chargée d’histoire
Le présentoir en argent sur lequel repose l’émeraude a été conçu et réalisé plus tard, sur commande, probablement pour son acquéreur Julius Friedländer. Il représente comme nous l’explique Nicolas Filatoff, l’expert de cette vente, une colline rocailleuse avec des éléments de végétation et six nains creusant des galeries dans la roche. Il faut remonter à la Venise du moyen âge tardif pour comprendre pourquoi les mineurs sont représentés par des nains. Au XIIIème siècle, la République est en Europe la puissance économique absolue. Pourtant dépourvue de terre et de ressources, elle domine grâce au commerce de son artisanat de luxe. Venise a pour cela besoin d’or afin de commercer avec l’Orient, de cobalt et de manganèse pour fabriquer son verre bleu de Murano et ses miroirs blancs dont les artisans vénitiens sont les seuls à posséder le secret. Afin d’aller chercher les minerais essentiels à leur fabrication, Venise organise des expéditions et envoie dans les massifs montagneux allemands, des personnes de petite taille, pour des raisons pratiques, pour se livrer aux travaux de galerie et d’extraction minière. De taille différente, d’aspect inhabituel et se livrant à des activités inconnues des allemands, de surcroît en secret, ils sont considérés comme des sorciers et des créatures dangereuses. C’est ainsi qu’ils deviennent une source d’inspiration pour les contes de la fin du romantisme allemand, dont le plus célèbre est « Blanche neige et les sept nains », paru en 1812.
ART RUSSE
mardi 30 novembre 2021 14:00
Salle des ventes Favart, 3, rue Favart 75002 Paris
EXPOSITION :
Le lundi 29 novembre de 11h à 18h
Le mardi 30 novembre de 11h à 12h
RESPONSABLES DE LA VENTE :
Magdalena Marzec
Marie-Axelle Couppé
magda.marzec@ader-paris.fr
01 78 91 10 08
EXPERT :
Nicolas FILATOFF
russie.expertise.ngf@gmail.com
+33(0)7 82 55 60 60