C’est un meuble dont la petite taille n’est pas proportionnelle au talent de celui qui en a réalisé le décor. Peint à quatre mains, il s’agit d’une œuvre de jeunesse d’Amédéo Modigliani, réalisée avec l’aide de son ami Uberto Mondolfi en 1896. Présentée dans trois expositions monographiques consacrées à l’artiste maudit entre 1999 et 2003, l'œuvre est aussi mentionnée dans six ouvrages et sera proposée aux enchères par la maison de ventes Ader le 12 mai prochain à Drouot.

Sa provenance ? D’abord gardé par Marguerita Modigliani, sœur d’Amédéo, le meuble est ensuite conservé par Anna, la soeur d’Uberto Mondolfi à Naples, puis dans une collection privée en Italie et en Suisse.


Une oeuvre de jeunesse
Cette première œuvre, référencée, de Modigliani est une étagère décorée à la peinture à l’huile par Amédéo, âgé alors de 12 ans, et son compère Umberto Mondolfi. D’un côté, les deux amis ont peint une tête de mort et une tête de femme à la coloration très vive ; de l’autre côté, le portrait d’un vieil homme avec une longue barbe. Selon les mots de Mondolfi, la tête de femme et la tête de mort symbolisent « l’amour dans toute sa puissance destructrice », tandis que le vieillard « succube tel qu’il est trop souvent ».


Modigliani et Mondolfi
Né en Toscane en 1884, Amédéo Modigliani est un enfant à la santé fragile. Chétif, le jeune Dedo n'en est que davantage choyé par les siens, en particulier par sa mère et ses tantes. Eugénie Garcin soutient aussi la précoce vocation artistique de son fils. L’été 1895, elle rapporte dans son journal la réaction suivante : « Dedo a eu une pleurésie très grave et je ne me suis encore remise de la peur terrible qu'il m'a faite. Le caractère de cet enfant n'est pas encore assez formé pour que je puisse dire ici mon opinion. Ses manières sont celles d'un enfant gâté qui ne manque pas d'intelligence. Nous verrons plus tard ce qu'il y a dans cette chrysalide. Peut-être un artiste ? ».

Les Modigliani sont très proches des Mondolfi, une famille d'enseignants et d'humanistes. Leur fils, Uberto, de sept ans plus âgé qu’Amédéo, se lie d’une forte amitié avec ce dernier. Il aura aussi un rôle de conseiller auprès d'Amédéo qui, le reste du temps, vit entouré d’adultes. Dans sa biographie, Jeanne, fille de Modigliani, précise que les deux enfants sont inséparables. Ils passent leur temps ensemble, vivent des expériences communes et vont jusqu’à réaliser ensemble une première œuvre, que nous proposerons aux enchères le 12 mai prochain. Jeanne Modigliani la date de 1896/1897 ; on sait en effet que c’est en 1894 qu’Amédéo rencontre Uberto, et en 1895 et en 1898, il est atteint successivement de deux graves pleurésies.

« Amedeo n’avait alors que 12 ans mais il faisait déjà preuve, selon Mondolfi, d’une imagination précoce et d’une telle intolérance à l’égard du conformisme familial et surtout de l’autorité paternelle, qu’une fois, le vieux Rodolfo Mondolfi crut devoir lui adresser d’âpres reproches… »
précise Christian Parisot au sujet de cette oeuvre dans son ouvrage Amedeo Modigliani, 1884-1920, Biographie, Turin, Éditions Canale Arte, 2000, p. 58.

 








Amedeo MODIGLIANI (1884-1920) et Uberto MONDOLFI (1877-1941) (Attribué à)
Allégorie de la vie, vers 1896-98
Huile sur panneau d’un meuble sellette. Non signée. Dimensions de l’étagère : 92 x 33,5 x 29,5 cm Provenance : - Margherita Modigliani, 1947. - Anna Mondolfi, soeur d’Uberto Mondolfi, Naples, 1958. - Collection privée, Italie / Suisse.
Expositions : - Modigliani e i suoi, Fondazione Cini, Venise, 1999. - Modigliani y la Escula de Paris, Caja Segovia, 21 janvier - 31 août 2002, reproduit au catalogue p. 59. - A. Modigliani, Jeanne Hébuterne e gli artisti di Montmartre e Montparnasse, Castello Svevo, 2003.

Bibliographie :
- Anna Mondolfi, Uberto Mondolfi nel ricordo di sua figlia, Estratto della rivista di Livorno, n° 1957, Livourne, reproduit p. 12.
- Jeanne Modigliani, Modigliani : Man and Myth, New York, Orion Press, 1958, cité p. 17 (daté de 1896).
- Jeanne Modigliani, Modigliani sans légende, Paris, Gründ, 1961.
- Lanthemann, Catalogue raisonné, Barcelone, G. Condal, 1970, n°V et VI, reproduit p. 18.
- Modigliani e i suoi, Jeanne Hébuterne, André Hébuterne, Georges Dorignac, Amedeo Modigliani, Fondation Giorgio Cini, Venise, Canal Arte, 2000, reproduit p. 28.
- Christian Parisot, Amedeo Modigliani, 1884-1920, Biographie, Turin, Éditions Canale Arte, 2000, reproduit p. 60.
Ce lot est présenté en importation temporaire.

Estimation : 80 000 / 120 000 €