La collection de Monsieur B.



 
Monsieur B. a constitué une collection de dessins tout au long de sa vie, l’enrichissant tantôt dans les salles des ventes, tantôt aux Puces et autres déballages. C’est sous la houlette et les conseils avisés de Bruno de Bayser qu’il a collecté, savamment et patiemment, des dessins qui sont avant tout le témoignage de son goût personnel centré sur les XVIe, XVIIe et XVIIIe s. européens, où l’on retrouve de grands noms de la peinture. Cette prestigieuse collection sera présentée aux enchères le lundi 20 mars à Drouot (salle 1), à 14h et exposée au même endroit le samedi 18 mars (de 11h à 18h) et le lundi 20 mars (de 11h à 12h).



Charles de La Fosse, le dessin d’un maître de la couleur
 
Le lot 51 de la vente est un dessin de Charles de La Fosse qui représente un personnage agenouillé dont la main gauche abrite le visage. Le peintre-décorateur le plus célèbre de la fin du règne de Louis XIV fait le lien entre le classicisme artistique voulu par le roi Soleil et un art plus libre du début du XVIIIe s. Il participe également activement à la querelle du coloris, opposant dessin et couleur, et se rapproche du groupe des rubénistes. Quoi de plus intéressant, alors, que d’observer le dessin d’un maître de la couleur ?


Charles de LA FOSSE (Paris 1636 - 1716)
Un personnage agenouillé dont la main gauche abrite le visage
Pierre noire et sanguine sur papier chamois.
Inscription à la plume et encre brune en bas à droite : « La Fosse » et le chiffre « 12 » en bas à gauche. 
Annotation ancienne au verso du montage : « Académie à genoux, au crayon noir et à la sanguine sur papier gris ».
(Pliure sur le bord gauche et petites taches).
Dans un cadre ancien en bois sculpté et doré.
27,7 x 19,5 cm
Estimation : 15 000 / 20 000 €


 
On retrouve toutes les caractéristiques des dessins de de La Fosse dans le dessin de la collection de Monsieur B. La pose et le visage, tous deux très expressifs, peuvent rappeler les années de formation puis de travail aux côtés de Charles Le Brun, premier peintre du roi Louis XIV, qui a beaucoup travaillé sur les grandes compositions des peintures d’Histoire où les personnages aux poses et figures dramatiques sont légion. Le visage, plus particulièrement, peut être un rappel des têtes d’expressions de Charles Le Brun puisqu’en quelques grands traits appuyés de sanguine, rehaussés par de la Pierre noire, Charles de La Fosse fait transparaître une émotion forte.
 
Mais il s’éloigne des travaux de Le Brun dans sa manière de dessiner. S’il suit probablement la tradition académique dans sa méthode, en étudiant la position d’après un nu puis en travaillant le drapé et les plis, il développe une touche particulière qui met en avant le rendu pictural du volume et de la texture par une savante utilisation des deux couleurs de la pierre noire et de la sanguine. Il s’inspire en cela des peintres vénitiens qu’il a découverts pendant son voyage en Italie, ainsi que de Rubens, dévoilant ainsi son intérêt pour la couleur plutôt que pour le classicisme du dessin, ce qui est résumé par Dezallier d’Argenville : « les dessins de La Fosse sont pleins de couleur et font autant d’effet que ses tableaux ». On retrouve ces caractéristiques dans le lot 52, un autre dessin de Charles de La Fosse représentant un homme s’appuyant sur une amphore et une étude de main droite.


Watteau, un renouvellement artistique
 
Le lot 77 de la vente est indirectement lié aux dessins de Charles de la Fosse. Ce dessin de Watteau de deux têtes de vieillard est en effet réalisé d’après Rubens, à un moment où Watteau est hébergé chez Pierre Crozat dans son hôtel particulier parisien et termine le chantier entrepris par Charles de La Fosse. Assez certainement, le style rubéniste de Charles de La Fosse a été important pour la formation artistique du jeune Watteau.

Les deux têtes de vieillard peuvent être retracées aujourd'hui : elles sont probablement copiées d’après un album connu sous le nom de « Piles-Crozat » (du nom de l’artiste Roger de Piles, premier possesseur de l’album et Pierre Crozat, financier, qui soutient le peintre et lui rachète son album par la suite). Cet album contient 94 dessins de têtes d’après Rubens, probablement réalisés par un artiste de son atelier, même si Roger de Piles pensait qu’elles étaient de Rubens lui-même. Par l’intermédiaire de Pierre Crozat, l’album a pu être vu et copié par plusieurs artistes, comme Vleughels mais aussi Watteau. La première tête provient du Saint-Thomas du Prado de Rubens et l’autre, une Étude de la tête d’un vieil homme conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

Ce dessin figure dans le catalogue raisonné des dessins dressé par Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat (Antoine Watteau 1684-1721, catalogue raisonné des dessins, Milan, Edition Leonardo Arte, 1996), et est daté autour de 1714.



Antoine WATTEAU (Valenciennes 1684 - Nogent-sur-Marne 1721)
Deux têtes de vieillard, d’après Rubens
Sanguine brûlée. 
(Collé en plein sur un montage ancien du XVIIIe siècle, légèrement insolé).
13,5 x 19 cm
Estimation : 20 000 / 30 000 €




Corps et tissu chez Charles-Antoine Coypel

Deux grands dessins de Charles-Antoine Coypel constituent deux lots de la vente : le lot 81 et le lot 82. Ce dernier est une représentation de Marie-Madeleine au pied de la croix, réalisé à la pierre noire avec des traces de sanguine, estompe et rehauts de blanc, sur un papier bleu très bien conservé faisant particulièrement ressortir les travaux de Coypel.

Ce peintre appartient à une glorieuse dynastie puisqu’il est le fils d’Antoine Coypel, connu notamment pour son travail sur le plafond de la chapelle royale du château de Versailles vers 1715-1717, et le petit-fils de Noël Coypel. Toute l’histoire de cette famille est étroitement liée à celle de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, fondée en 1648, puisqu’à plusieurs reprises c’est un peintre Coypel qui en assura la direction. Au cœur des débats théoriques autour de la peinture, les peintres de la famille accompagnèrent les évolutions stylistiques du XVIIIe s. Charles-Antoine Coypel lui-même fut directeur de l’Académie et Premier Peintre du roi en 1747. Il développa aussi des qualités politiques au sein de la Cour et alla jusqu’à écrire des pièces de théâtre, diversifiant ainsi ses activités.


Charles-Antoine COYPEL (Paris 1694 - 1752)
Autoportrait, étude de tête
Pierre noire et sanguine sur papier beige.
Traces de mise au carreau au crayon noir.
(Collé en plein, petites taches en haut à droite).
35,4 x 28 cm
Estimation : 12 000 / 15 000 €


Ses dessins restent le témoignage d’une grande maîtrise de la réalisation graphique. Dans le dessin de Marie-Madeleine au pied de la croix, le détail du plissé et des bras est tout particulièrement impressionnant, dépassant l’apparence d’ébauche pour développer une matérialité toute particulière du tissu, grâce aux rehauts blancs qui matérialisent restituent avec force les volumes. Matérialité également de la chair sur le bras gauche de la figure, grâce aux légers rehauts de sanguine, qui expriment la corporéité de la figure. À l’inverse, dans le dessin du lot 81, l’accent est mis d’avantage sur la peau nue, la musculature du torse masculin, et surtout la tête qui est un réel morceau de bravoure.

Le dessin de Marie-Madeleine est une étude pour un tableau réalisé en 1717 pour le maître-autel de l’église Saint-Germain-L’auxerrois. Ce peintre était tout désigné pour la réalisation de ce maître-autel puisqu’une grande partie de sa famille y était enterrée, et c’est également dans cette église qu’il fut lui-même inhumé.







Informations sur la vente :

COLLECTION DE DESSINS ANCIENS

Lundi 20 Mars 2023 à 14h00
Salle 1 - Hôtel Drouot, 9, rue Drouot 75009 Paris



EXPOSITION PUBLIQUE :

Salle 1 - Hôtel Drouot, 9, rue Drouot 75009 Paris

Samedi 18 Mars de 11 h à 18 h
Lundi 20 Mars de 11 h à 12 h



RESPONSABLE DE LA VENTE :

Camille Maujean
camille.maujean@ader-paris.fr
Tél. : 01 78 91 10 07