Feux d'artifices gravés



 
Le lot 14 de la vente d’estampes du 25 mai est une eau-forte de 1579 réalisée par Ambrogio Brambilla, qui représente le Castello S. Angelo con la girandola (Le Feu d’artifice au-dessus du château Saint-Ange). Elle s’inscrit dans une tradition de représentation par l’estampe des festivités, et notamment des exploits pyrotechniques qui les accompagnent.



Estampe et feu d’artifice
 
En effet, l’estampe s’est souvent essayée à représenter l’instantanéité des feux d’artifice. Ces spectacles, tout en son et en couleur, en fugacité et en mouvement, sont a priori totalement éloignés du travail de l’estampe, qui fige dans une matrice la représentation, la reproduit et lui ote ses couleurs. Quel meilleur défi, donc, que de s’attaquer à un tel sujet pour un graveur ?

Une exposition qui s’est déroulée au cours de l’été 2000 au Metropolitan Museum of Art de New-York s’est attachée à mettre en avant ces liens si étonnants et pourtant si étroits entre la gravure et le feu d’artifice, et notre estampe de Brambrilla y figurait. Si l’histoire du feu d’artifice commence en Asie, une fois la technique arrivée en Europe, elle connaît un vif succès. Rapidement, les feux d’artifice deviennent un élément indispensable des grandes fêtes officielles, accompagnant spectacles et architectures éphémères.

Les feux d’artifice étaient alors à comprendre comme un élément d’une plus ample représentation scénique, et non pas comme un spectacle individuel. Leur représentation par la gravure est donc souvent accompagnée d’une architecture et d’une foule de spectateurs. Cette foule prend de plus en plus d’espace dans les œuvres, jusqu’à devenir au XIXe siècle le principal intérêt de certains graveurs comme Daumier. Ici, elle occupe le bas de la représentation et permet avant tout de montrer la démesure de l’événement et d’en souligner la popularité.

Le feu d’artifice est représenté par Brambilla à la manière développée par les graveurs italiens au XVIe siècle : en fines lignes agitées, qui se déploient au-dessus de la tour principale du château, et sur deux plus petites tourelles de part et d’autre. Il souligne ainsi l’aspect particulièrement contrôlé du spectacle, car la représentation est presque symétrique, dans la composition générale comme dans chacune des gerbes d’étincelles qui retombent parfaitement de part et d’autre de leur source. Cet aspect régulier est contrebalancé par plusieurs langues de flamme accompagnant les feux d’artifice qui viennent animer la composition. Brambilla pousse la maîtrise de son art jusqu’à représenter l’aspect changeant de ces flammes, en laissant deviner comme par transparence le décor qu’elles recouvrent.

Le tout est particulièrement détaillé et accompagné de plusieurs textes qui précisent les noms des différents bâtiments, du fleuve, et dont la partie la plus importante au bas de la représentation détaille avec exactitude les différentes étapes de l’importante célébration qu’était la Girandola.



Une festivité immanquable
 
La Girandola était une fête formidable. On retrouve des traces de son existence dès le début du XVe siècle et c’est avec les festivités qui accompagnèrent le couronnement du pape Sixte IV, en 1471, que les témoignages firent état d’un feu d’artifice tiré à partir du Château Saint-Ange ou Castello S. Angelo.

Ce bâtiment imposant, situé à Rome, fut d’abord le mausolée d’Hadrien avant de devenir une forteresse papale. On le retrouve, pour la qualité de sa construction, comme sujet d’une autre gravure présentée à la vente : Le Castel Sant’Angelo à Rome de Stefano della Bella (lot 6). Lors de la fête, l’architecture est entièrement mise au service du spectacle, comme le montre la gravure. Ce spectacle majestueux se déroulait à chaque élection et couronnement d’un nouveau pape, mais aussi à Pâques et le 28 juin pour célébrer les fêtes des saints Pierre et Paul.

Comme nous l’apprend le texte présent sur la gravure, la fête était annoncée par des illuminations aux fenêtres, tours et balcons, puis sur un signe du palais papal se déchaînaient le mortier et l’artillerie et enfin, les fusées étaient lancées : « il semble que le ciel s’est ouvert et que toutes les étoiles tombent sur la terre ».

Cette fête est un sujet apprécié des graveurs : une vingtaine de représentations différentes existent, et notre estampe en est la plus ancienne connue. La popularité de cette scène tient aussi au succès de l’évènement : la Girandola devint rapidement un incontournable de la visite de Rome, jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les festivités furent par la suite abandonnées, car se développait à cette période toute une réflexion autour de la protection des monuments historiques et les explosions menaçaient directement la structure du château.

Cette belle eau-forte est donc un témoignage particulièrement précis, intéressant, et majestueux de cette importante célébration qu’était la Girolanda.






Lot 14-Ambrogio Brambilla (actif 1579-1599)
Castello S. Angelo con la girandola (Le Feu d’artifice au-dessus du château Saint-Ange). 1579. Eau-forte. 378 x 495. Belle épreuve à l’adresse de Cl. Buchetti, rognée au trait carré et légèrement à l’intérieur de celui-ci au bord inférieur gauche (avec petite atteinte au sujet et à l’intégrité de la tablette), collée sur feuillet de vergé. Quelques courtes déchirures au bord droit et en tête. Petits arrachements dans l’angle supérieur droit. Oxydation aux bords du feuillet.
Estimation : 1 500-1 800€









Informations sur la vente :


ESTAMPES ANCIENNES ET MODERNES

https://www.ader-paris.fr/catalogue/136128?offset=0&



VENTE

Jeudi 25 mai 2023 à 14h00
Salle des ventes Favart 
3 rue Favart - 75002 Paris



EXPOSITION PUBLIQUE

Mardi 23 mai de 11 h à 18 h
Mercredi 24 mai de 11 h à 18 h
Salle des ventes Favart 
3 rue Favart - 75002 Paris
Téléphone pendant l'exposition : 01 53 40 77 10



EXPERT

Hélène BONAFOUS-MURAT

hbmurat@orange.fr
Tél. : 0033 (0)1 44 76 04 32



RESPONSABLES DE LA VENTE

Élodie DELABALLE

elodie.delaballe@ader-paris.fr
Tél. : 0033 (0)1 78 91 10 16

Assistée de Lucie GUILLAUME
lguillaume@ader-paris.fr