Gustave FLAUBERT (1821-1880). L.A., [Croisset]... - Lot 145 - Ader

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Gustave FLAUBERT (1821-1880). L.A., [Croisset]... - Lot 145 - Ader
Gustave FLAUBERT (1821-1880). L.A., [Croisset] Jeudi soir – 11 h. [13 août 1846], à Louise Colet ; 4 pages in-4 (datée « 8 août 1846 » par L. Colet ; fente au pli). Très belle lettre d’amour. ... « Ce que je veux de toi je n’en sais rien. Mais ce que je veux moi c’est t’aimer – t’aimer mille fois plus. Oh si tu pouvais lire dans mon cœur tu verrais la place où je t’ai mise ! »... Flaubert craint que Louise le croie égoïste... « Je le suis comme tout le monde, moins peut-être que beaucoup – plus peut-être que d’autres. Qui sait ? [...] Qui ne l’est pas égoïste [...] Depuis le crétin qui ne donnerait pas un sou pour racheter le genre humain jusqu’à celui qui se jette sous la glace pour sauver un inconnu. Est-ce que tous tant que nous sommes, nous ne cherchons pas suivant nos instincts divers la satisfaction de notre nature. St Vincent de Paul obéissait à un appétit de charité, comme Caligula à un appétit de cruauté. Chacun jouit à sa mode et pour lui seul – les uns en réfléchissant l’action sur eux-mêmes, en s’en faisant la cause le centre et le but, les autres en conviant le monde entier au festin de leur âme. Il y a là la différence des prodigues et des avares. Les premiers prennent plaisir à donner, les autres à garder. Quant à l’égoïsme ordinaire tel qu’on l’entend quoiqu’il me répugne démesurément à l’esprit j’avoue que si je pouvais l’acheter je donnerais tout pour l’avoir. Être bête, égoïste, et avoir une bonne santé voilà les trois conditions voulues pour être heureux. Mais si la première vous manque, tout est perdu. Il y a aussi un autre bonheur – oui il y en a un autre – je l’ai vu – tu me l’as fait sentir. Tu m’as montré dans l’air ses reflets illuminés, j’ai vu chatoyer à mes regards le bas de son vêtement flottant. Voilà que je tends les mains pour le saisir... et toi-même tu commences à remuer la tête et à douter si ce n’est pas une vision [...] il me semble que toi aussi – tu as de la tristesse au cœur – et de cette profonde qui ne vient de rien et qui tenant à la substance même de l’existence est d’autant plus grande, que celle-ci est plus remuée. Je t’en avais avertie. Ma misère est contagieuse. J’ai la gale ! Malheur à qui me touche »... Et Flaubert de fantasmer sur une mitaine... « il me semble que je suis encore à humer ton épaule et la douce chaleur de ton bras nu. Allons ! voilà les idées de volupté et de caresses qui me reprennent. Mon cœur bondit à ta pensée. Je convoite tout ton être. J’évoque ton souvenir pour qu’il assouvisse ce besoin qui crie au fond de mes entrailles »... Il revoit le boudoir de Louise... « je revois la pâleur de ta tête sérieuse quand tu te tenais dans mes genoux... et la lampe ! »... Il a un flacon d’eau de Mississipi : « je la répandrai sur ta poitrine pour te donner le baptême de mon amour »... Il revoit Louise « dans l’atelier debout posant le jour t’éclairant de côté – quand je te regardais – que tu me regardais aussi. Et puis le soir à l’hôtel, je te vois, couchée sur mon lit, les cheveux répandus sur mon oreiller, les yeux levés au ciel, blême, les mains jointes, m’envoyant des paroles folles. Quand tu es habillée tu es fraîche comme un bouquet. Dans mes bras je te trouve d’une douceur chaude qui amollit et qui ennivre. [...] Quel pauvre amant je fais ! n’est-ce pas ! – Sais-tu que ce qui m’est arrivé avec toi, ne m’est jamais arrivé. (J’étais si brisé depuis trois jours et tendu comme la corde d’un violoncelle). Si j’avais été homme à estimer beaucoup ma personne j’aurais été amèrement vexé. Je l’étais pour toi. Je craignais de ta part des suppositions odieuses pour toi. D’autres peut-être auraient cru que je les outrageais, elles m’auraient jugé froid, dégoûté ou usé. Je t’ai su gré de cette intelligence spontanée qui ne s’étonnait de rien quand moi je m’étonnais de cela comme d’une monstruosité inouïe. Il fallait donc que je t’aimasse – et fort – puisque j’ai éprouvé le contraire de ce que j’avais été à l’abord de toutes les autres, n’importe lesquelles. – Tu veux faire de moi un païen, tu le veux, ô ma Muse – toi qui as du sang romain dans le sang. – Mais j’ai beau m’y exciter par l’imagination et par le parti pris... j’ai au fond de l’âme le brouillard du Nord que j’ai respiré à ma naissance. Je porte en moi la mélancolie des races barbares, avec ses instincts de migrations et ses dégoûts innés de la vie qui leur faisait quitter leur pays comme pour se quitter eux-mêmes. Ils ont aimé le soleil tous les barbares qui sont venus mourir en Italie, ils avaient une aspiration frénétique vers la lumière, vers le ciel bleu, vers quelque existence chaude et sonore, ils rêvaient des jours heureux pleins d’amours, juteux pour leurs cœurs comme la treille mûre que l’on presse avec les mains. J’ai toujours eu pour eux une sympathie tendre comme pour des ancêtres. Ne retrouvais-je pas dans leur histoire bruyante toute ma paisible histoire inconnue. Les cris de joie d’Alaric entrant à Rome, ont eu pour parallèle, quatorze siècles plus ta
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