Marcel PROUST (1871-1922). L.A.S. « Binibuls... - Lot 191 - Ader

Lot 191
Aller au lot
Estimation :
5000 - 6000 EUR
Résultats avec frais
Résultat : 10 496EUR
Marcel PROUST (1871-1922). L.A.S. « Binibuls... - Lot 191 - Ader
Marcel PROUST (1871-1922). L.A.S. « Binibuls », [4 mars 1911], à Reynaldo Hahn, « Mon vieux Bugnibuls » ; 11 pages in-8. Superbe lettre sur la musique, Wagner et Debussy, dans un style plein de fantaisie. Reynaldo Hahn est en Russie : on a annoncé sa réception par Diaghilev, mais Proust veut d’autres échos pour la rubrique Mondanités du « Figarso ». Puis il en vient à Wagner... « Votre éblouissant article sur les Maîtres Chanteurs [article de R. Hahn dans Le Journal, 21 février 1911] met en relief avec une délicatesse prodigieuse la contradiction qui m’avait frappé et à laquelle tu attribues une profondeur que Wagner n’a certainement pas eue etc. Car on ne comprend pas que les mêmes personnes qui ont haussé les épaules à un morceau que Wagner a fait de son mieux, sentent couler leurs larmes devant un autre morceau du même auteur. Quant à Beckmesser ta mauvaise foi dépasse toutes bornes. Comme il est probable que quelqu’un qui apprendrait par cœur des paroles retiendrait braillant pour brillant radis pour paradis ogresse pour ivresse c’est-à-dire des mots d’un sens opposé, alors que si on se rappelait mal on se rappellerait des mots différents mais de même sens. C’est déjà assez invraisemblable s’il n’y a pas eu mystification de Sachs, qu’il ait lu à ce point de travers, mais du moins cela ne peut-il s’expliquer qu’en lisant. Et dans votre désir de confondre votre Bunibuls et de le perdre à tout jamais comme vous fîtes jadis pour Thomson et Sarah Bernard, vous avez dépassé la mesure. Car votre Buncht fait maintenant plus attention. Et il ne se laissera plus déconsidérer ainsi. De même j’ai en effet dit q.q. bêtises dans ma lettre sur Pelléas mais si vous remplacez Malbrough par le Roi de Thulé c’est irréprochable. La déclamation est plus voisine de Gounod que de Wagner. Au fond combien les “Capulet, les Montaigu” étaient bien et moins fatigants que Tris Sieg tan fried [...] je sens s’exercer en littérature sur les non littérateurs une chose qu’ils appellent le charme et qui est ce que je déteste le plus et qui signifie le moins le mérite, le charme avec une continuité qui s’appellerait de la monotonie ou de la personnalité selon les dispositions de l’auditeur, s’exerce sur moi avec un ensorcellement que je n’ai pas connu depuis Mayol. Je demande perpétuellement Pelléas au théâtrophone comme j’allais au Concert Mayol. Et tout le reste du temps il n’y a pas un mot qui ne me revienne. Les parties que j’aime le mieux sont celles de musique sans parole (mais y a-t-il un intérêt à savoir ce que j’aime dans Pelléas !!). Il est vrai que celle du souterrain méphitique et vertigineux par exemple, est si peu méphitique et vertigineuse qu’elle me paraîtrait aller très bien sur la Fontaine de Bandusie [mélodie de R. Hahn sur une ode d’Horace]. Mais à côté de cela, par exemple quand Pelléas sort du souterrain sur un “Ah ! je respire enfin” calqué de Fidelio, il y a quelques lignes vraiment imprégnées de la fraîcheur de la mer et de l’odeur des roses que la brise lui apporte. Cela n’a rien d’“humain” naturellement mais est d’une poésie délicieuse, quoique étant, autant que je puis supposer par comparaison, ce que je détesterais le plus si j’aimais vraiment la musique, c’est-à-dire n’étant qu’une “notation” fugace au lieu de ces morceaux où Wagner expectore tout ce qu’il contient de près, de loin, d’aisé, de difficile sur un sujet (seule chose que j’estime en littérature). Ce passage délicieux finit par un strict équivalent musical de mon “bien gentil” (par Reboux) que je signalerai à Buncht. De même sans continuer ces révélations pleines d’intérêt, je montrerai à Buncht une phrase “On dirait que ta voix a passé sur la mer au printemps” qui serait adorable dans Werther. Mais ce que je hais c’est la distinction obtenue jetant par dessus bord tout ce qu’on a à exprimer (comme Marcel Boulenger), par où je comptais humilier Debussy sous les pieds de mon cher Buniguls de génie qui lui fait juste le contraire – si la seule pensée d’une comparaison maintenant que je vois ce qu’il pense de Pelléas ne devait lui faire horreur. Et pourtant... Et même pour l’orchestre tandis qu’une Forêt etc. m’assomment de leur lourdeur, je retrouve là comme dans la Fête chez Thérèse, obtenu par une décantation déloyale et moins poétique infiniment, une fine et légère et toujours originale et charmante musique. »... Proust, imitant le parler russe, s’amuse à expliquer qu’il a hésité à ouvrir la lettre de « Bugninuls », craignant « qu’en route dans les postes pêle mêle avec lettres sibériennes elle n’ait pris bacilles pesteux et me donne Peste »... Proust, le « pauvre Buncht », à « pleursé de voir bon accueil du Dieu Bleu », le ballet de R. Hahn pour les Ballets Russes. Il charge R. Hahn de saluer « Vestris » [Nijinski] et Bakst « que j’admire prodigieusement, ne connaissant rien de p
Mes ordres d'achat
Informations sur la vente
Conditions de vente
Retourner au catalogue