Isabelle RIMBAUD (1860-1917). L.A.S. « Isabelle », Marseille - Lot 200

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Isabelle RIMBAUD (1860-1917). L.A.S. « Isabelle », Marseille - Lot 200
Isabelle RIMBAUD (1860-1917). L.A.S. « Isabelle », Marseille 28 octobre 1891, à sa mère Vitalie Rimbaud ; 3 pages et demie in-4 (28 x 21,5 cm) d’un bifeuillet, en un volume papier ardoise avec bords de parchemin ivoire, titre en lettres dorées sur le plat sup. (P.-L Martin). Extraordinaire témoignage sur les derniers moments de Rimbaud par sa sœur Isabelle. [Rimbaud mourra le 10 novembre à l’hôpital de la Conception à Marseille, au terme d’une longue agonie, veillé par sa sœur Isabelle, qui évoque ici la conversion de son frère. L’authenticité de ce témoignage, marqué par un mysticisme exalté, a été mise en doute, et l’on connaît deux copies (dont une incomplète) faites postérieurement par Isabelle avec des variantes, et une version remaniée pour la publication ; Paul Claudel et André Suarès en ont également établi des copies. Cette lettre est l’original envoyé à sa mère, comme en témoignent les marques de pliures : la lettre a été pliée trois fois jusqu’à la dimension 7,3 x 10,5 cm de façon à pouvoir entrer dans une enveloppe (hélas disparue) ; elle est écrite d’une fine écriture régulière à l’encre noire, sur un bifeuillet de papier quadrillé. Cette lettre n’a jamais jusqu’à présent été publiée correctement ; nous la transcrivons ici conformément à l’original.] « Ma chère maman, Dieu soit mille fois béni ! J’ai éprouvé dimanche le plus grand bonheur que je puisse avoir en ce monde. Ce n’est plus un pauvre malheureux réprouvé qui va mourir près de moi : c’est un juste, un saint, un martyr, un élu ! Pendant le courant de la semaine passée les aumôniers étaient venus le voir deux fois, il les avait bien reçus mais avec tant de lassitude et de découragement qu’ils n’avaient osé lui parler de la mort ; samedi soir toutes les religieuses firent ensemble des prières pour qu’il fasse une bonne mort ; dimanche matin après la grand messe il semblait plus calme et en pleine connaissance ; l’un des aumôniers est revenu et lui a proposé de se confesser : et il a bien voulu ! – Quand le prêtre est sorti il m’a dit en me regardant d’un air troublé, d’un air étrange : “Votre frère a la foi, mon enfant, que nous disiez-vous donc ? Il a la foi, et je n’ai même jamais vu de foi de cette qualité !” Moi, je baisais la terre en pleurant et en riant. O Dieu ! quelle allégresse ! même dans la mort, même par la mort ! que peut me faire la mort, la vie et tout l’univers et tout le bonheur du monde, maintenant que son âme est sauvée ! Seigneur, adoucissez son agonie, aidez-le à porter sa croix, ayez encore pitié de lui, ayez encore pitié, vous qui êtes si bon ! oh oui, si bon. Merci, mon Dieu ! Merci ! Quand je suis rentrée près de lui il était très ému mais ne pleurait pas, il était sereinement triste, comme je ne l’ai jamais vu. Il me regardait dans les yeux comme il ne m’a jamais regardée. Il a voulu que j’approche tout près, il m’a dit : “Tu es du même sang que moi : crois-tu, dis, crois-tu ? – J’ai répondu : “Je crois ; d’autres bien plus savants que moi ont cru, croient ; et puis, je suis sûre à présent, j’ai la preuve, cela est !” Et, c’est vrai, j’ai la preuve, aujourd’hui ! – Il m’a dit encore avec amertume : “Oui, ils disent qu’ils croient, ils font semblant d’être convertis, mais c’est pour qu’on lise ce qu’ils écrivent, c’est une spéculation !” J’ai hésité puis j’ai dit : “Oh non ! Ils gagneraient davantage d’argent en blasphémant.” Il me regardait toujours avec le ciel dans les yeux ; moi aussi. Il a voulu m’embrasser, puis : “Nous pouvons bien avoir la même âme puisque nous sommes du même sang. Tu crois alors ?” et j’ai répété : “Oui je crois, il faut croire.” – Alors il m’a dit : “Il faut tout préparer dans la chambre, tout ranger ; il va revenir avec les sacrements. Tu vas voir, on va apporter les cierges et les dentelles : il faut mettre des linges blancs partout. Je suis donc en malade !” Il était anxieux mais pas désespéré comme les autres jours et je voyais très bien qu’il désirait ardemment les sacrements, la communion surtout. Depuis, il ne blasphème plus jamais ; il appelle le Christ en croix, et il prie, oui, il prie, lui ! Mais l’aumônier n’a pas pu lui donner la communion : d’abord il a craint de l’impressionner trop ; puis il crache beaucoup en ce moment et ne peut rien souffrir dans sa bouche : on a craint une profanation involontaire. Et lui croyant qu’on l’a oublié est devenu triste mais ne s’est pas plaint. La mort vient à grands pas ; je t’ai dit dans ma dernière lettre, ma chère maman, que son moignon était fort gonflé, maintenant c’est un cancer énorme entre la hanche et le ventre juste en haut de l’os : mais ce moignon qui était si sensible, si douloureux ne le fait presque plus souffrir. Arthur n’a pas vu cette tumeur mortelle, il s’étonne que tout le monde vienne voir ce pauvre moignon auquel il ne sent presque plus rien, et tous les médecins (il en est déjà bien venu 10 depuis que j’ai signalé ce mal terrible) restent muets et terrifiés
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