La Saga des Sagot : des affiches inédites aux enchères


La maison Ader Paris met aux enchères une sélection exceptionnelle d’affiches soigneusement mises de côté par Edmond Sagot et restées intactes pendant plus d’un siècle. Redécouvertes dans les archives familiales, ces pièces rares signées Mucha, Grasset et d’autres grands noms sont aujourd’hui proposées aux collectionneurs.

Né en 1867, Edmond Sagot entre tout jeune, mais par la petite porte, dans le monde de la librairie : il a une patente de « bouquiniste en étalage » - c’est-à-dire des boîtes sur les quais ! Dès 1881 cependant, on le
retrouve 53 rue d’Argout, près des grands boulevards, où sa « librairie artistique » vend des livres mais aussi des estampes et des revues d’art.

C’est dans la décennie qui suit qu’il a le flair de s’intéresser à un nouveau sujet de collection, l’affiche, et à en acheter en quantité. En 1890, il traverse la Seine pour s’installer 18 rue Guénégaud. Octave Uzanne, inventeur du terme « d’affichomanie », pour décrire la folie de la collection d’affiches, décrit ainsi sa « Galerie ».


 


George BOTTINI (1874-1907)
La Vitrine de Sagot, 1906.
Aquarelle et encre.
23 x 34 cm


C’est sur la rive gauche, dans une étroite boutique fréquentée depuis longtemps par les iconophiles amateurs d’estampes modernes, au 18 de la rue Guénégaud, chez un remuant et actif homme, d’une véhémente intelligence et d’une rare sûreté de goût : Monsieur Edmond Sagot, que la passion des placards illustrés a trouvé son quartier général, ou plutôt son foyer central…

Sagot devient l’homme d’affiche de la librairie ! En 1891, il sort un catalogue de 2333 numéros : c’est lui le roi de l’affiche… Mais débordé par le succès, il lui faut déménager, car les affiches sont trop grandes et son local trop petit. Il s’installe donc cinq ans après au 18 bis rue de Chateaudun.

Il peut présenter aux amateurs ses trésors sur des porte-affiches qu’il leur vend. Mais, à partir de 1900, la mode, comme c’est la logique, passe et avant la grande guerre, l’affichomanie tombe aux oubliettes du marché de l’art. En 1954, son arrière-petit-fils, Michel Romand, ouvre la galerie Documents : il est bien le seul à proposer des affiches de collection à Paris ! Il a hérité d’un stock d’affiches important mais peut aussi racheter à vil prix des collections qu’avait vendues son aïeul !

 

Alphonse MUCHA (1860-1939)
Salon des Cent - Avant la lettre.
Chromolithographie sur japon. Signée.
64 x 43.5 cm

Dans les années 60, les anglo-saxons remettent à la mode l’art nouveau et dans la foulée, l’affiche : la galerie Documents devient à son tour, le point de rendez- vous incontournable des afficholâtres, pour la plupart américains… Dans l’appartement de madame Romand, mis à part les pièces encadrées au mur, nous avons trouvé quantités de cartons et de rouleaux : certains étaient clairement des laissés pour compte de la vente de la collection Michel Romand des 23 et 24 mai 2022.

Nous les vendrons bien sûr. Mais trois cartons très anciens, avec des jupes de protection en tissu qui ne se font plus depuis fort longtemps, retrouvés au fond d’un placard et jamais ouverts depuis des décennies, contenaient des affiches qu’Edmond Sagot avait sélectionnées pour son plaisir…

 
Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901)
May Milton, 1895.
Chromolithographie.
79 x 62 cm

Après solide réflexion, cette sélection, du moins pour les ensembles qui nous paraissent plus importants peut s’expliquer : il s’est gardé des pièces qu’il ne pouvait avoir à la vente en quantité mais qu’il aimait, Mucha et Grasset, ainsi que les affiches du Salon des Cent – commercialisées par d’autre, mais également des affiches étrangères dont il savait que, même s’il en avait reçu quelques exemplaires, il ne reverrait plus.

"Par sa qualité et sa variété c’est certainement la dernière grande collection d’époque à être offerte aux enchères."

Elles sont toutes devenues très rares aujourd’hui, mais ce qui les rend uniques est leur état de conservation : elles n’ont, au sens propre du terme « jamais vu le jour », sur papier qui est resté en parfait état. Les ors sont en particulier stupéfiants ! Si on me demandait d’en faire un rapport de condition, je dirais, que pour la plupart, et avec un zeste d’humour, elles sont en état « E » : extraordinaire.

 
Adolphe Crespin (1859-1944)
Paul Hankar, 1894
Lith. A.D.Mertens, Bruxelles.
56 x 42 cm
Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923)
Motocycles Comiot.
Imp. Charles Verneau, Paris.
138 x 99 cm
 

Les 23 et 24 mai 2022, nous avons vendu salle Favart la collection d’affiches de Michel Romand, fondateur de la galerie Documents et arrière-petit-fils d’Edmond Sagot : l’automne 2024, ses filles Anaïs et Mireille nous contactèrent : leur mère déménageait dans une résidence médicalisée, il fallait vider l’appartement.

Il était petit mais moderne : donc plein de placards, des placards pleins de cartons à dessin, bourrés à craquer. Logiquement, beaucoup étaient remplis d’estampes : elles seront vendues dans une autre vente spécialisée. Mais à notre grande surprise, plusieurs contenaient des affiches, et n’avaient jamais été ouverts : c’était une sélection d’affiches qu’Edmond Sagot s’était gardée pour lui – et c’est elles que nous vendons aujourd’hui.

 
Alain Weil - expert
 
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LA SAGA DES SAGOT
Vente le 2 et 3 avril à 14h

Responsable de la vente :
Anne-Lise PERNIN
alpernin@ader-paris.fr

Expert :
Alain WEILL