Manon Phlipon, Madame ROLAND (1754-1793)... - Lot 430 - Ader

Manon Phlipon, Madame ROLAND (1754-1793) l’égérie des Girondins, elle fut guillotinée. L.A., Amiens 14 janvier 1783, à son mari Roland de la Platière ; 4 pages in-8. Belle lettre intime à son mari, alors qu’elle est en période de sevrage. Le temps est affreux… « Je regorge de lait dont je ne sais que faire, mais excepté la sensibilité douloureuse qu’il cause dans les mamelles, je me trouve assés bien ». Elle évoque ensuite leur fille [Eudora, âgée de quinze mois] : « La petite est gaye à faire plaisir ; elle a passé toute sa nuit paisiblement : son appel ordinaire m’a fait tressaillir, mais après avoir tendu vers moi ses petits bras, elle s’est laissée distraire par sa bonne qui l’a fait boire et manger, et le reste du jour s’est passé comme de coutume ». Elle a eu la visite du médecin qui prétend que ses misères « viennent de l’esthomac dont l’indisposition peut causer jusqu’à des vertiges. [..] Bientôt il faudra savoir comment les gens se portent pour juger s’ils ont le sens commun. Cette doctrine paroit plaisante ; quoiqu’au fond je la crois très bien appuyée, je serois tentée de la berner : elle prête admirablement à la palinodie ». Elle donne et demande des nouvelles des uns et des autres, et dit son amour en italien « giammai non potro dirti quanto t’amo et sogno a te ». Elle reprend la plume le mercredi : ses troubles digestifs s’aggravent : « il est onze heures, j’ai la tête fatiguée, je suis encore au lit, avec les seins comme deux pierres et ne remuant les bras qu’avec un peu de douleur. J’attends M. d’Hervilly pour savoir s’il n’y a pas d’autres moyens d’évacuer le lait promptement. La petite tourne autour de mon lit, tire les couvertures, appelle maman et n’est contente que lorsqu’on l’a mise à portée de me donner un baiser, elle s’en retourne gaye. Mais il faut recommencer dix minutes après ; et voilà son train depuis huit heures, tout en mangeant sans demander à téter »…